Violence politique
Par Thierry Fayret le mercredi, juin 15 2016, 07:28 - Actualité politique - Lien permanent
Vendredi dernier, alors que Jean-Jacques Urvoas discutait avec des militants, les locaux du Parti Socialiste à Brest ont été une nouvelle fois attaqués par une trentaine d’individus. Les banderoles et les slogans revendicateurs ont rapidement laissé la place à des actes de violence et de casse contre le bâtiment. Les militants présents ont dû s’enfermer pour ne pas être envahi et pris à partie. La police a dû intervenir pour disperser les agresseurs.
Cet épisode fait suite à toute une série de dégradations, majoritairement de nuit, sur les locaux du Parti Socialiste depuis plus d’un an. Cet épisode fait aussi suite à l’attaque très violente intervenue contre ces mêmes locaux, le 27 octobre 2014, suite aux débordements d’une manifestation contre les violences policières, après à la mort de Rémi Fraisse dans le Tarn.
Vendredi dernier, il y avait comme d’habitude quelques individus cagoulés, les visages masqués, prêts à user de la violence comme seul mode d’expression. Mais il y avait aussi des syndicalistes connus à Brest et des citoyens à visage découvert, qui légitimaient par leur accompagnement et leur passivité cette violence qui se déployait sous leurs yeux, comme si tout cela était devenu normal.
A l’intérieur des locaux, quelques dizaines de militants : personnes engagées dans des associations, syndicalistes, élus, venus-là pour échanger avec un camarade devenu Ministre. Ce n’était pas l’image d’Epinal d’un échange entre un Ministre et quelques militants beni-oui-oui, venus là sur ordre pour faire la claque. Au contraire, chacun était là pour s’écouter, tenter de comprendre et de se forger sa propre opinion. Les militants qui ne se privaient pas de poser leurs interrogations sur la situation actuelle et leurs doutes sur les lois en débat. Le ministre tentait d’expliquer, de clarifier une situation politique française complexe, mais exprimait aussi autant ses doutes que ses convictions.
Le rôle des partis politiques dans une société démocratique est justement d’être la place où le débat, l’échange politique puisse avoir lieu dans un cadre pacifié, ordonné et respectueux des divergences. C’est le lieu où chacun doit pouvoir s’exprimer, partager, être entendu par ceux qui sont en responsabilité et qui dirigent. C’est l’endroit où les projets politiques se travaillent, s’affrontent et se confrontent de façon à nourrir des programmes électoraux soumis à la sanction des citoyens. Tout cela ne se fait probablement pas de façon ordonnée et méthodique, mais les échanges, les rencontres, les discussions y sont bien le reflet de ce qu’est la société.
Dans une république démocratique les partis ne doivent pas devenir les boucs-émissaires faciles d’une société en perte de repères. Ils sont utiles pour que les divergences, les tensions qui existent dans tout groupe humain, arrivent à construire des politiques sans que la violence, la terreur et la domination aient leur place.
Les agressions violentes qui se multiplient contre les partis politiques sont bien une expression politique. Cette expression est la négation de nos valeurs républicaines. Cette expression est le témoignage d’une volonté de domination sans en passer par le débat, l’échange et la construction d’un monde commun. Nous habitons un pays où le vote est un droit, où la liberté d’expression, la liberté de contester et de manifester existent. De nombreux pays se battent encore, souvent aux prix de nombreuses vies, pour simplement acquérir ces droits politiques fondamentaux. Nous ne devons pas laisser cette violence guider nos attentes, car loin d’apporter des réponses, elle sera le ferment d’une monté de la peur et de la haine, déchirant le pays comme c’est arrivé souvent dans l’histoire.
Nous rejetons la violence contre les partis politiques, car elle est l’expression d’une vision politique conduisant à la peur, la haine et l’abandon des valeurs que nous défendons.
Commentaires
Monsieur,
Dans votre édito du mercredi 15 juin 2016, vous faites état « de violence politique » à l’encontre des militants du parti socialiste réunis au siège brestois venus écouter Monsieur Jean-Jacques Urvoas, ministre de la justice.
Je vous demande par la présente l’exercice du droit de réponse par application des articles de la loi du 29 juillet 1881.
En effet vous décrivez la petite manifestation de ce vendredi comme une manifestation violente et faites état de la participation de « syndicalistes connus à Brest ».
Votre édito est un compte rendu totalement mensonger. En effet une cinquantaine de manifestants se sont présentés devant le siège du parti socialiste le vendredi 10 juin vers 19 heures avec banderoles, sifflets et tambours… Cette manifestation était donc bruyante et a été entendu de vos locaux. Vous avez d’ailleurs immédiatement verrouillé vos portes et vous avez baissé vos rideaux.
L’objectif des manifestants n’étant pas le contact direct avec la petite équipe présente dans vos locaux mais de manifester publiquement son mécontentement contre la politique soutenue par votre parti.
Il n’y a donc eu, à aucun moment de contact, aucun acte de violence, aucune casse, ni dégradation de vos locaux.
Dans une république démocratique, le droit de se réunir est un droit fondamental, celui de manifester aussi.
En l’occurrence vous avez pu sans contrainte, pression ni violence poursuivre votre réunion.
Vous prétendez que la police a dû intervenir pour disperser les agresseurs. Il n’y a eu aucune intervention de la police ! Les manifestants, après une demi-heure, sont partis en rang derrière les banderoles.
Vos propos sont donc mensongers et ont tendance à faire passer ces manifestants pacifiques pour un groupuscule violent et organisé qui vous aurait empêché de mener à bien votre réunion avec Monsieur le ministre.
Votre édito est une manipulation qui vise à criminaliser toute manifestation contre la loi El Khomri.
Syndicaliste FO, « bien connu à Brest »
Monsieur HEBERT,
J’ai bien lu votre demande de droit de réponse suite cette note parue sur ce blog concernant les incidents intervenus au siège du PS à Brest, le 10 juin dernier.
En effet, il y est fait état de la présence de « syndicalistes connus à Brest », mais vous remarquerez que nous n’avons ni mentionné de noms, ni mentionné une organisation syndicale. Difficile dès lors de vous identifier. Il n’était pas dans notre intention de le faire (c’est vous qui en prenez l’initiative en postant votre commentaire). L’objet de cette note n’était pas de dénoncer des personnes, mais de faire réfléchir aux limites de ce que devraient être la contestation politique dans notre démocratie. Le droit à manifester en fait évidement partie, le recours à la violence que nous dénonçons, non. Depuis des mois, les actes de violence et de vandalisme se multiplient contre des locaux de notre parti politique en France et ce fut aussi le cas pour le siège parisien de la CFDT, il y a près de deux mois. Je ne crois pas que nous devions nous taire face à ces actes qui témoignent d’une conception bien particulière du fait politique.
Je remarque d’ailleurs que vous ne souhaitez pas non plus être associé à des actes de violence, de dégradation ou de casse. Je m’en réjouis et ne peux que soutenir un tel souhait. Le fait est que ce vendredi 10 juin, il n’en fut rien.
Je m’inscris en faux dans la description des évènements tels que vous les rapportez. Si les personnes présentes au moment de votre arrivée se sont en effet retranchées dans les locaux du parti, fermant la porte derrière eux, c’est bien que votre arrivée soudaine et bruyante n’avait rien d’engageante en matière de débats ou de discussions. Surpris par votre venue, nous avons juste eu le temps de fermer les portes d’accès mais nous n’avons pas eu le temps de fermer le rideau de protection de l’entrée de nos locaux comme vous le soutenez.
Peu après votre arrivée, constatant l’impossibilité de rentrer dans nos locaux, certains des membres de votre groupe se sont bien livrés à des actes violents contre les portes d’entrée vitrées en aluminium du parti, conduisant à la casse d’une de ces vitres, alors même qu’il s’agit de verre renforcé (verre sécurité). Une photo de la vitre cassée que j’ai prise le soir en témoigne, ainsi que la facture que nous aura coûté sa réparation.
Certes, vous n’êtes pas de ceux qui se sont livrés à ces actes de casse contre nos locaux, mais vous étiez dans le groupe qui regardait et cautionnait semble-t-il ces agissements, à seulement quelques mètres de l’entrée au moment des faits. Vous ne pouvez ignorer ces incidents et la présence de personnes au visage masqué qui les ont commis.
Sur la présence de la police, je pense qu’il y a une mauvaise interprétation des faits de votre part. Les personnes qui se situaient durant tous ces incidents derrière les portes vitrées n’étaient pas des militants du PS, mais des policiers en charge de la protection du Ministre de la justice. Ce sont eux qui ont pris des photos. Ce sont eux qui ont observé les personnes tapants sur nos portes, en insultant les personnes qui se trouvaient derrière. Ce sont eux qui ont vu un des membres de votre groupe casser la vitre. Enfin, ce sont eux qui ont témoigné de ce qui s’était passé lorsque les policiers de Brest sont arrivés ensuite sur place, après votre départ, pour constater l’incident, les dégâts et recueillir les témoignages. S’agissant de faits contre la présence du Ministre de la justice, le commissaire et le procureur sont aussi passés peu après et ont pu eux-mêmes constater l’ensemble des faits et voir les photos prises par les policiers présents.
Je confirme aussi que les faits de violence contre les portes du parti se sont arrêtés à partir du moment où un policier à l’intérieur de nos locaux, considérant que cela allait trop loin, a montré qu’il était de la police. Sans cette intervention, je ne sais pas si les dégâts se seraient arrêtés à une seule vitre brisée.
Afin de faire marcher notre assurance, le PS est aussi allé porter plainte le lendemain. Il y a donc bien tout un dossier au commissariat de Brest qui atteste de ces faits, tant par le dépôt de plainte pour la dégradation de la porte, que par des policiers assermentés qui ont assisté à toute la scène. Nous n’avons donc nulle crainte que vous attaquiez la version des faits sur ces incidents postée sur notre blog.
Thierry Fayret
Responsable du Parti Socialiste de Brest